Peter Wenzel (28.VII.1894-24.V.1909)
Tratto da Documenti e Studi, 2.
Le 26 mai dernier, un nombreux cortège, de toute langue et de toute religion, dans lequel figuraient en grand nombre les travailleurs habitués des Archives du Vatican, en tête les directeurs et représentants des divers instituts historiques étrangers de Rome, prussien, autrichien, belge, hollandais, ainsi que de l'Ecole Française, accompagnait à l'église de Sainte-Marie Transpontine les restes du vénéré Mgr PIETRO WENZEL, chanoine de Saint-Pierre, protonotaire apostolique et directeur des Archives du Vatican. Ils avaient voulu rendre un dernier témoignage de sympathie et de reconnais-sance à celui qui, pendant 29 ans, s'était dévoué corps et âme au progrès de la science et à la diffusion de la vérité historique, en communiquant largement à tontes les nations les trésors dont il avait la garde.
Mgr Wenzel naquit le 24 février 1843 et fut attaché dès 1872 aux archives du Vatican comme addetto, c'est-à-dire auxiliaire au service de l'administration, sous les ordres du directeur, l'historien Pietro Balan. Lorsque les archives furent ouvertes au public en 1880 sur l'ordre du pape Léon XIII, il ne tarda pas à se distinguer par son activité dans le travail de l'ordonnance et de la mise à la portée du public, devint premier custode, puis sous-archiviste en chef en 1895, et dans ces deux fonctions assuma peu à peu toute la besogne et la responsabilité. C'est sur lui que se reposèrent ses chefs et même les directeurs qui le précédèrent, pour les améliorations et aménagements que nécessitaient les nouvelles destinées de l'Archivio secreto, qui n'avait jamais été jusque-là qu'au service de la Secrétairerie d'État. Les documents y étaient classés pour la plupart par ordre chronologique de pontificats, et il importait moins d'y introduire un nouvel ordre et des inventaires modernes, que de mettre tout d'abord à la disposition du public ceux qui ·avaient été dressés dans le cours des siècles précédents, les schedæ de Garampi, préparées en vue d'un Orbis catholicus, étude historique de la chrétienté diocèse par diocèse, sur le plan de la Gallia christiana, les grands répertoires de de Praetis pour les Regesta Vaticana et la correspondance diplomatique, enfin l'index des registres d'Avignon. Tout cela fut réuni, avec de nombreux inventaires particuliers à certains pontificats, dans une salle où les travailleurs ont pleine faculté de les consulter. Mais ce ne fut qu'une moindre partie du travail de Mgr Wenzel. Il restait encore des milliers de volumes à classer, et tout n'est pas fini. Les archives diplomatiques du moins furent complétées par l'adjonction d'une troisième partie, qui prolongeait la classification de de Praetis en 1720, continuée par Garampi, vers 1750, jusqu'à la Révolution française et même jusqu'au milieu du premier empire, c'est-à-dire à la captivité de Savone.
L'inventaire s'est donc augmenté de plusieurs centaines de volumes qui portent la marque du travail de Mgr Wenzel et de ses collaborateurs.
Même activité et même libéralité pour les nouvelles acquisitions. Elles furent considérables: outre les 2 ou 3000 volumes des archives Borghèse, qui arrivèrent au Vatican en 1892 avant son administration, Mgr Wenzel sut inaugurer le XXe siècle en faisant transporter dans ses locaux les archives de l'ancienne Daterie, renfermées an palais de Latran, 2900 volumes de Regesta Lateranensia, 900 de brefs et 7000 volumes de suppliques. Dans cette dernière collection seule, il y a tonte une histoire ecclésiastique. Tout cela fut disposé, ainsi que les Regesta Avenionensia, dans les salles avoisinantes celle de travail, en sorte que les chercheurs un peu an courant n'ont qu'à tendre la main pour y .cueillir ce dont ils ont besoin.
On en a fait déjà plusieurs fois la remarque, il n'y a pas d'archives au monde où le travailleur trouve autant de facilités qu'au Vatican. Il le doit en grande partie à l' œuvre de Mgr Wenzel. Aussi la reconnaissance du monde savant ne manqua aucune occasion de se manifester à son égard. En 1905, lorsqu'on voulut célébrer le 25e anniversaire de l'ouverture des archives, Mgr Wenzel, qui n'était encore que prélat domestique et bénéficier de .Saint-Pierre, fut créé par S. S. Pie X protonotaire apostolique et chanoine titulaire. Et à cette occasion, ceux à qui il rendait chaque jour tant de services, voulurent aussi lui témoigner leur reconnaissance. Le 4 décembre de cette année 1905, réunis dans l'intimité, en la salle même des Archives, ils lui offrirent un bronze représentant la Science, un anneau de protonotaire et un livre d'adresses, où tous voulurent commémorer cette date par une attestation écrite de leur gratitude. Et les sommités de l'assistance, Mgr Duchesne, de l'École française, les directeurs des Instituts autrichien et prussien, le professeur Pastor et le professeur Kehr, tinrent à lui exprimer, au nom de tous, ce que chacun lui devait, et des sentiments d'autant plus profonds et sincères qu'ils sont plus comprimés par le sérieux des occupations quotidiennes.
Nombreuses aussi étaient les décorations d'ordres étrangers et les distinctions honorifiques des académies et universités qui venaient eu fait moins récompenser le zèle du modeste prélat que l'exciter à rendre de nouveaux services. Et son souvenir ne s'effacera pas de la mémoire de quiconque a travaillé aux Archives du Vatican. Il était si accessible à tous, avec son calme imperturbable de vieux Romain, sa patience toujours égale, sa bonhomie, sa froideur apparente, l'indolence de sa démarche et son air d'indifférence, qui voilaient une grande sensibilité, son activité toujours en éveil, et son vif désir de faire plaisir à tout le monde! Lorsqu'on lui demandait un renseignement, il indiquait en peu de mots, tout en prenant sa prise de tabac, les quelques endroits où l'on pouvait chercher, allait lui-même cueillir un de ses vieux inventaires, ouvrait à la page, après avoir feuilleté un moment, au besoin mettait en mouvement ses employés et ses auxiliaires. Tout en ne parlant qu'italien, il comprenait toujours de suite à demi-mot, et rarement vous laissait partir sans résultat. Il connaissait si bien ses richesses dans les recoins les plus inaccessibles, les plus mystérieux!
Ce n'était pas un archiviste de profession, mais il savait tant de choses dans le domaine du passé romain, de l'histoire et des traditions curiales!
Il est allé recevoir la récompense due à son labeur et à son devouement!
Mais les travailleurs peuvent se rassurer, car son œuvre sera continuée, et dans le même esprit. S. S. Pie X a su choisir, pour le remplacer, un homme qui possède les mêmes qualités, bonté inaltérable, patience et zèle de tous les instants, dans la personne de Mgr UGOLINI, qui a tant fait pour organiser la bibliothèque annexe de consultation. Et il lui a donné deux auxiliaires non moins précieux, Mgr MELAMPO, le professeur de paleographie au Vatican, si expert à déchiffrer les vieux textes, et M. RANUZZI, le neveu et le bras droit du défunt, l'homme qui connaît le mieux les Archives du Vatican, qui a déjà beaucoup contribué a leur classification et à leur développement. Cette sollicitude à ne pas laisser se perdre les résultats acquis, nous est un gage que la science et l'histoire pourront encore puiser abondamment, dans les fonds les plus précieux pour les annales de l'Église, de quoi consolider d'une manière définitive les droits de la vérité avec le triomphe de la religion dans sa marche à travers les siècles.
P. RICHARD.